Nous avions déjà chroniqué dans ces pages le nouvel opus de Nika Leeflang , Bad Sunday, album qui nous paraissait constituer l’une des sorties les plus intéressantes de ces derniers mois. Voilà que cette chronique, et donc cet entretien réalisé dans la foulée, subit les foudres d’un calendrier bousculé par un virus qui n’en finit pas de répandre son poison sur une culture à genou : la sortie est différée d’un an. En dépit d’un anachronisme indéniable, telescope résiste et après avoir sorti la chronique, décide de sortir l’entretien. Parce qu’on aime ce disque, qu’on aime Nika Leeflang, et qu’on aime l’idée de ne pas se laisser dicter des injonctions par un machin qui a déjà bien trop rythmé nos vies. Damned. Nika Leeflang Project sort donc Bad Sunday, et c’est très bon.
Nika , ton album devait sortir le 19 mars dernier. Peux tu nous raconter comment tout ça a été fabriqué, avec les difficultés relatives aux restrictions actuelles ?
La sortie a malheureusem*nt été repoussée d’un an… les concerts prévus annulés… Oui ça a crée pas mal de problèmes et de perturbations d’autant qu’à cette époque je bossais avec mon groupe sur le live, et mes musiciens étant très éloignés géographiquement ( Marseille, Clermont l’hérault) on a dû se résoudre à arrêter le groupe….je reviens donc à ma version solo.
L’album a un son 9O ’s assez assumé. Est ce que je me trompe ? J’y entends un peu de Pixies, de Pavement etc…
J’ai beaucoup écouté «Bossanova», «Surfer Rosa», des Pixies, «Desintegration» de The Cure, j’ai bien aimé, Kat Onoma «Billy the kid» (1992) & «Far from the picture» (1995), l’album Beautiful Freak de EELS (1996). En revanche, je fais partie des gens qui ont découverts Nirvana le jour de la mort de Kurt Cobain (Nevermind), .Et puis chez mes parents j’écoutais du Michaël Jackson, du Nina Simone, duPaolo Conte et de la musique classique.
Et le premier titre de l’album est très Gainsbourg. Tu écoutes beaucoup Gainsbourg ?
Il y en a pour tous les goûts chez Monsieur Gainsbourg. Pour ma part, je ne vais pas faire mon originale, et je pense aimer l’album «Mélodie Nelson» comme à peu près 99 % de la planète. J’ai aussi énormément d’affection pour un de ses premiers albums «Jazz dans le ravin», j’aime tellement ses textes !!!
On sent aussi une parfaite cohésion du groupe derrière toi, un truc assez compact, taillé pour la scène.
J’ai choisi de travailler avec des personnes qui me connaissent bien et connaissent mon besoin d’expression en forme d’éventail très large, j’ai aussi choisi ces êtres fabuleux car j’aime beaucoup leurs travaux respectifs. (Aymeric Severac-DPMT//Romain Preuss-réalisations pour Pauline Croze, Ours..//David Darmon ), tout cela avec le soutien de Alain Rabaud, la Région Occitanie et la ville de Montpellier) . Le fait d’avoir pu bosser les arrangements et la réalisation avec des personnes en qui j’ai fait tellement confiance apporte ce côté «soudé» ça se sent, en effet. On a fait un travail de pré-production en commun, en jouant mes titres à l’instinct, pour voir ce qui pouvait en sortir puison a sélectionné ensuite les titres qui collaient ensemble.
Qu’est ce qui a évolué par rapport à tes premières productions ?
La cohésion d’ensemble, et le coté conceptuel et recherché dès le début du lancement des travaux, et même avant je dirais… C’est un cheminement, c’est ce qui change par rapport à «Hey! right», qui est une sorte de «compilation» (mais que j’aime tout autant).
On te propose de faire la première partie d’un groupe de rêve , tu choisis quelle formation ?
En France, Catherine Ringer, au Etats-Unis, EELS, et au Royaume-Uni, Pj Harvey…
Quel est ton processus de travail pour composer et enregistrer ? Décris nous la fabrication d’un morceau (sans révéler tes secrets de fabrication évidemment ! )
En général, j’ai toujours une petite phrase ou une petite rime qui traine dans la tête. Puis je me mets derrière un instrument, le plus souvent la guitare, mais ça peut être un clavier, une basse, ou une batterie, et je cherche le riff. Tout part du riff. Une fois que j’ai ces deux éléments, en général, soit la vanne est ouverte et l’inspiration coule de source, soit, c’est un goutte à goutte minutieux qui s’annonce…. Les deux processus me plaisent, ça fait partie de mes passe temps préférés.Sinon, dernièrement, je me suis aussi amusée à traduire certains de mes textes, c’est drôle comme ça fonctionne !!! Parfois c’est même flippant comme un texte que j’ai écrit en Français sonne parfaitement en Anglais…
Tu résides dans le sud de la France. Est il facile de faire du rock dans ta région ?
Rien n’est facile pour une personne comme moi… Je suis tellement flippée administrativement et au niveau des démarches, je tourne autour du pot, j’ai toujours peur de me lancer, c’est infernal!!!!! Tout prend un temps fou avec moi…. heureusem*nt je suis actuellement une formation qui a l’air de me soigner un peu en apportant des éléments de connaissance et de méthodes que je pourrai appliquer pour essayer d’avancer. (Merci la fédération octopus!! big up).
Tu a été la chanteuse des Limiñanas pendant quelques années. Comment t’es tu retrouvé à cette place ?
J’ai été recommandée par Raph Dumas qui a l’époque était DJ beat maker pour le live de Papillon Paravel avec qui j’ai tourné un moment en tant que guitariste choriste (2007). Plus tard Raph a été celui qui mixait leurs morceaux, d’où le lien.
J’imagine que c’est une expérience inoubliable, tous ces concerts, cette dimension internationale. On a le sentiment que tout le monde veut jouer avec les Limiñanas !
J’ai pu rattraper toutes les années où je rêvais ouvertement de voyager.. venant d’une famille très modeste, ça a été difficile de dépasser le voyage tous les 6 ans vers les Pays bas pour voir la famille….. Je te raconte pas mon émotion quand je suis montée pour la première fois dans l’avion, quand Lionel et Marie m’ont emmenée à Groningen, pour jouer à l’Eurosonic festival !!!!C’est juste la ville d’origine de mes grands parents !!!! J’ai remercié le ciel d’être là bas…
Tu prévois de tourner pour défendre cet album ?
Je vais tenter une petite tournée pour faire découvrir BAD SUNDAY dans sa version d’origine,c’est à dire en solo «à la Nika», c’est à dire créatif, drôle et toujours ce fond rock (sous la couche de pop, et le vernis de textes romantiques, surréalistes, ou romanesques) toujours accompagnée de mon sampleur, mes guitares, un petit drum kit léger.( Grosse Caisse Tomme bass) En gros on sera trois : mon ingé son, moi, et la régisseuse (pour aider au merch et à l’orga).
Quel mot définit le mieux ton univers musical ?
Versatile ou liberté d’expression.
Revenons à ce disque , la journée du dimanche semble être déterminante pour toi…
BAD SUNDAY place effectivement le dimanche en doublon, il a une importance capitale dans le déroulé de mon concept. Ce qui doit logiquement permettre à l’auditeur de recevoir le message subliminal de l’inconstance du temps, des concepts, car il pose deux démonstrations opposés d’un jour. BAD SUNDAY veut expliquer qu’il peut y avoir du bon et du mauvais, ça fait partie de la vie…
Qu’est ce qui te ferait le plus plaisir quant à l’accueil de ce disque ?
J’aimerais que BAD SUNDAY m’aide à réduire les distances géographiques…à agrandir mon entourage professionnel,mais surtout qu’il aide à accepter et à percevoir la magnificence quela vie ordinaire peut avoir, grâce à ce truc qui bat au fond de nous…..
Propos recueillis par Christophe David
Nika Leeflang Project – Bad Sunday – MAD/ PIAS -sortie officielle, après la fin de la guerre- credit photo façade Mathieu Verhille.
